PIERRE LORTET






Portrait de Pierre Lortet par Nadar.
Nadar (pseudonyme de Gaspard-Félix Tournachon, 1820-1910) est un célèbre pionnier de la photographie, à la vie étonnamment romanesque. Jules Verne avait donné son nom, sous forme de l'anagramme Michel Ardan, à l’un des personnages de son roman "De la Terre à la Lune".


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Pierre Maurice Max Lortet est le dernier enfant de Louis et Inez Lortet 

• il est né le 31 mai 1870 à Lyon (la Jayère, demeure de la famille de sa mère)



Le château de la Jayère, montée de Balmont à Lyon, demeure de la famille Brouzet, 
où naquirent Pierre et ses sœurs


• il se marie le 12 février 1910 à Bangkok, avec Jeanne Fortin (née le 20 janvier 1880 à Paris et décédée le 17 décembre 1972 à Nancy)


Jeanne Lortet, née Fortin


• il a deux sœurs :
(NB. en fait, il y eut d'abord Théodore Jean Oscar, né le 29 août 1865 à Lyon (la Jayère), mais décédé en bas âge le 12 juillet 1867 à Oullins).

Inès, née le 18/10/1866 à Lyon (château de la Jayère), mariée avec Henry Oberkampf (1864-1928), le 23 août 1886 à Lyon ; 6 enfants : Roger 1887-1969 (marié en 1915 avec Françoise Hervey, 1894-1959), Isabelle 1889-1924 (épouse d'Alfred Spoerry), Alice 1890-1959, Huguette 1891-1968, Laure 1895-1938 (épouse de René Lehr), Anne 1897-1966 (épouse de René de Hesdin, 1890-1966). 
Décédée le 24 février 1948 à St-Rambert-l'Ile-Barbe (commune qui sera rattachée à Lyon 9e en 1963).


Inès sous son ombrelle et ses cinq filles.
De gauche à droite : Huguette, Anne, Laure, Alice et Isabelle.
Au centre, sa sœur Alice, au bras de son époux Fernand Verdet.


Inès et Henry habitaient 25 bis rue de Constantine à Paris. C'est elle qui avait conservé toutes les archives familiales rassemblées par son père, le Dr Louis Lortet – archives qui ont servi à élaborer le présent blog. Elle a laissé le souvenir d'une femme enjouée et d'une mère affectueuse.

Elle a aussi laissé – si l'on peut se permettre un zeugma ! – un singulier petit document : son “cahier de textes” pour l'année scolaire 1886. On pourra voir les devoirs qu'elle avait à faire et faire connaissance de quelques-uns de ses professeurs...


Inès, sœur aînée de Pierre (née le 18 octobre 1866)
et ci-dessous, son mari Henri Oberkampf (né le 14 août 1864)



Inès, dans sa trentaine, entre son père, le Pr Louis Lortet, à gauche, 
et son oncle Leberecht, à droite, sur la terrasse de la résidence familiale d'Oullins


Alice, née le 30 novembre 1868 à Lyon (château de la Jayère), décédée à Paris le 4 juillet 1949 et enterrée au Père-Lachaise ; mariée avec Fernand Verdet le 29 avril 1893 ; un enfant : Arnaud né en 1894, décédé en 1897 ; divorcée le 11 mars 1908 aux torts de Fernand Verdet, elle prend alors le nom d'Alice Rigottier-Lortet – Rigottier étant le nom de jeune fille de sa grand-mère Emmeline Brouzet – et part à Paris ; il est possible qu'elle s'installe alors chez sa sœur Inès, au 25 bis de la rue de Constantine, à moins qu'elle ne le fasse qu'en 1928, quand Inès sera veuve ; on sait en tous cas quelle s'y trouve en 1931.


Alice (née le 30 novembre 1868)



Les deux sœurs, jeunes : Alice à gauche, Inès à droite


• il a quatre enfants :
En fait, il y eut d'abord Pierre, décédé en bas âge (6/10/1911 ; 4/12/1913). Puis :
Jean et Louis, nés le 24 juin 1914 à Paris ; Jean décédé le 13 avril 1987 ; Louis, tué pendant la guerre lors d'une mission aérienne près de Damas (El Hâmé), le 29 juin 1941.
Inès, née le 23 février 1917 à Paris ; décédée le 12 décembre 2012
Éliane, née le 30 juin 1921 à Paris ; décédée le le 12 décembre 1994


Jeanne et ses 4 enfants : les jumeaux Jean et Louis, Inès et Éliane


 il décède subitement le 12 juillet 1930 à son domicile, 54 rue du Docteur Blanche, Paris 16e





Deux portraits de Pierre Lortet : à Oullins, vers 25 / 30 ans
puis chez lui à Paris, une vingtaine d'années plus tard.


Nous avons extrêmement peu d'éléments sur la vie de Pierre Lortet. On peut remarquer que sa mère Inez mourut quand il avait 2 ans - exactement comme son père - qui avait aussi 2 ans quand sa mère, Nettchen, décéda. 
Son père, le Pr Louis Lortet, pris par ses voyages et ses fonctions, ne fut sans doute jamais présent lors de son enfance et son adolescence. Et il semble que la seconde épouse que prit son père, Léontine Cambon, fut loin d'être une mère pour lui. Toujours est-il que l'on a quelques indices de mauvais rapports entre Pierre et son père, qui s'en plaint jusque sur son lit de mort (voir le journal de fin de vie de Louis Lortet, à la toute fin de sa biographie). Ce qui est sûr c'est que Pierre tourna le dos à la tradition familiale des vies consacrées à la science et à la médecine (sans doute au grand dam de son père). Après une formation économique (à Londres ? quand ?), il s'installa à Paris, où il acquit un hôtel particulier au 54 de la rue du Docteur Blanche dans le 16e arrondissement, et créa un comptoir d'importation à Bangkok (quand ?), capitale du royaume du Siam, dirigé par un monarque modernisateur - Chulalongkorn - qui était entouré de conseillers occidentaux. Ce contexte fit les affaires de Pierre jusqu'à ce qu'il décède soudainement à 60 ans (tombant de son lit durant sa sieste nous dit notre grand-mère). Son épouse dut faire face à d'énormes créances qui ruinèrent complètement la famille, ce qui bouleversa la vie des enfants, notamment celle de Jean (qui sera décrite plus loin).


*

On a pu trouver sur le site Gallica de la BnF, des articles économiques écrits par Pierre Lortet dans le “Bulletin économique de l'Indo-Chine” vers le début de sa vie professionnelle :
• 1904. “Les chemins de fer siamois en 1904”, analyse rédigée en tant que “Attaché commercial à la Légation de France à Bangkok.
• 1907. “étude préliminaire sur le commerce du Siam”, article rédigé en tant que “Agent commercial à la Direction de l'Agriculture, des Forêts et du Commerce de l'Indo-Chine en mission à Bangkok”. 
• D'autres articles portaient sur “les nouveaux débouchés en Mandchourie”, “le commerce extérieur du Siam en 1905, 1906, 1907, 1908”,  “le change au Siam”, “le commerce du teck”...

Voici maintenant deux longs articles écrits peu de temps avant sa mort, respectivement en septembre 1928 et novembre 1929, par “Pierre M. Lortet” dans "l'Éveil Économique de l'Indochine". Ils donnent une bonne idée du niveau de ses engagements commerciaux d'alors :
https://drive.google.com/file/d/0B7TBoos_WqnpVk5EQjYzNzNBbjA/view?usp=sharing
https://drive.google.com/file/d/0B7TBoos_WqnpQzA5c2tTcjFMWW8/view?usp=sharing

(documents communiqués par M. Étienne Hauboin, spécialiste des relations franco-siamoises dans l'Entre-deux-guerres)

Et voici l'article, repris plus tard dans "l'Éveil Économique de l'Indochine", que l'on a pu lire après sa mort dans le "Bangkok Times" :
"Les rapports de M. Lortet avec le Siam dataient de longtemps. Attaché commercial à la légation de France de 1905 à 1908, il revint à Bangkok y établir le Comptoir Français du Siam et, plus tard, le Comptoir Français d'Extrême-Orient, l'un et l'autre avec siège social à Paris. En 1913, il prit une part active à la création de la Chambre Internationale de Commerce à Bangkok, dont il fut membre du comité pendant de nombreuses années.
Bien que pendant les dernières année il ait surtout vécu à Paris, il continuait à suivre de près ses intérêts commerciaux au Siam. À Paris, il fut également le président d'une section de la Chambre de Commerce franco-asiatique et ses articles dans l'organe de cette compagnie étaient suivis ici avec un vif intérêt. Il quitta Bangkok après sa dernière visite en mai 1922.
Madame Lortet a passé plusieurs années à Bangkok, où l'on éprouvera pour elle et ses quatre enfants la plus vive sympathie dans leur deuil."



Signature autographe de Pierre M. Lortet



Pr LOUIS LORTET









Le Professeur Louis Lortet 

Troisième enfant du Dr Pierre Lortet et de Nettchen Müller.
• Né le 22 août 1836 à Oullins (sa mère mourra quelques mois plus tard, le 7 juin 1837).

• Première épouse : Inès Brouzet (1842-1872), fille de Théodore Brouzet, 1796-1859, et d'Emmeline Rigottier, 1820-1874  / mariage le 2 juillet 1864 / décès à 29 ans, le 31 août 1872, à la Jayère, 45 montée de Balmont, Lyon 9e
NB. On trouve deux orthographes : “Inès”, et également “Inez”. Cette seconde orthographe est anglaise. En effet, la grand-mère d'Inès, Isabelle Rigottier, née Wilson, étant anglaise, la mère d'Inès, bilingue, a appelé sa fille indifféremment Inès ou Inez. Louis a également utilisé les deux orthographes dans ses lettres.

4 enfants :
- Théodore Jean Oscar né le 29/08/1865 à la Jayère, à Lyon ; décédé à moins d'un an, le 12/07/1866
- Inès Clémence Emmeline née le 18/10/1866 à la Jayère, à Lyon ; mariée à Henri Oberkampf le 23/08/1886 ; décédée le 24 février 1948 à Lyon 9e St-Rambert l'Ile Barbe
(NB. le père d'Henri, Ernest Oberkampf, habitait à Lyon, à la même adresse que Louis Lortet : 69 avenue de Saxe)
- Alice Caroline née le 30/11/1868 à la Jayère, à Lyon ; mariée à Fernand Verdet le 29/04/1893 ; décédée à Paris le 4 juillet 1949 et enterrée au Père-Lachaise
- Pierre Maurice Max né le 31/05/1870 à la Jayère, à Lyon ; décédé le 12/07/1930 à Paris ; marié à Jeanne Fortin, à Bangkok, le 12 février 1910

• Seconde épouse : Léontine Cambon (1841-1920) / mariage 3 novembre 1876
Léontine avait 3 enfants de son premier mariage avec Henri Andrié : Henri (1863-?), Hélène (1865-?) et Marguerite (1874-25 décembre 1937) ; Marguerite épousera Paul Valayer le 17 novembre 1900 (leur fille Edith épousera Paul Sédallian qui sera directeur de l'Institut Pasteur).

• Décès le 26 décembre 1909 à Lyon, en sa dernière demeure, 13 quai Claude Bernard.
NB. Nous avons retrouvé plusieurs de ses adresses successives. Jusqu'à son second mariage, il habite 69 avenue de Saxe. 10 ans plus tard, en 1886, il emménage 1 quai de la Guillotière, avec les deux filles de sa seconde femme - Hélène, 20 ans, et Margot (Marguerite), 12 ans -, un cuisinier, un valet, un cocher et deux jardiniers. En 1900, on le retrouve 16 quai de l'Est, avec Margot qui a 26 ans, mais qui quitte le domicile l'année suivante pour se marier le 16 janvier 1901.



La biographie de Louis Lortet, représenté ici par le peintre portraitiste Alexandre Mazeran (1852-1899) dans sa tenue de doyen de la faculté mixte de Médecine et de Pharmacie de Lyon, en 1886, arborant ses insignes de chevalier de la Légion d'honneur et d'officier des Palmes académiques, est un travail si considérable et complexe que nous y avons renoncé.

Nous avons préféré renvoyer tout d'abord le lecteur 
• à “La vie et les travaux de Louis-Charles Lortet” par Claude Gaillard, successeur de Louis Lortet à la direction du Muséum d'Histoire naturelle, de 1909 à 1939

Puis nous lui proposons un certain nombre de documents, dont plusieurs inédits, qui décrivent peu ou prou sa vie et son œuvre, et à travers lesquels se dessine finalement le portrait de l'homme derrière le personnage.






> Premier document inédit, tombé entre nos mains de la façon extraordinaire et improbable décrite en page 2  :

Souvenirs de notre vie à deux

Il s'agit du récit autobiographique de la rencontre et du voyage de noces de Louis Lortet et d'Inez Brouzet.


Louis et Inez, dessinés par un cousin d'Inez, 
au moment de leur idylle


Deuxième document inédit :

Huit ans après le mariage, c'est le drame. Inez contracte la fièvre typhoïde et meurt le 31 août 1872. Louis raconte l'agonie, et le pèlerinage qu'il effectuera juste après les funérailles, à Zermatt, sur les traces de leur voyage de noces.

la mort d'Inez   


Inez, dont Louis pleurera, jusqu'à la fin de sa vie, la perte, le 31 août 1872


> Après être devenu docteur en médecine en juin 1861 à Paris avec une thèse sur le cancroïde labial, Louis Lortet obtient un double doctorat en sciences en 1867 avec des travaux décrits dans un rapport de M. Jourdan, doyen de la Faculté des Sciences de Lyon



Troisième document inédit :

Les lettres d'Inès à Louis Lortet

Louis Lortet a soigneusement rassemblé, dans un classeur relié, toutes les lettres qu’il a reçues de son épouse, entre 1865, année qui suivit leur mariage, et 1872, année de la mort de son épouse Inès. Ces lettres nous en apprennent beaucoup sur la vie privée de Louis Lortet, mais pas seulement. 

450 pages à lire... petit à petit ici.






Quatrième document inédit :

Carnets de campagne

tenus par Louis Lortet durant la guerre de 70
Engagé volontaire dans la "Première Ambulance lyonnaise" aux côtés de nombre de ses collègues médecins et professeurs de la Faculté de Médecine de Lyon, Louis Lortet a tenu un journal du début à la fin de la guerre.



Le directeur du muséum

> Louis Lortet devient directeur du muséum d'histoire naturelle de Lyon le 1er janvier 1870. Deux ans plus tard, tandis qu'il est nommé membre d'un “Institut destiné à l'avancement des sciences biologiques” (aux côté des Pr et Drs Chauveau, Chavanné, Ollier, Perroud et Tripier), il fonde les Archives du muséum d'histoire naturelle de Lyon
À sa mort, pour lui rendre hommage, les Archives consacrèrent à sa vie et à ses travaux le premier chapitre de son treizième volume. On pourra lire ici, rédigée par Claude Gaillard, son successeur à la tête du muséum, cette biographie très complète et détaillée



Le fameux mammouth de Chouans
que Louis Lortet fit assembler dans son muséum 
et qui est aujourd'hui exposé au musée des Confluences 



> Cinquième document inédit :

Voyage en Grèce. Louis Lortet effectua un voyage scientifique en Grèce, de septembre à novembre 1873, missionné par le ministère de l'Instruction publique. Il note les étapes et péripéties de ce voyage dans son

Journal de voyage de mission en Grèce 

suivi du Rapport de cette mission 
au ministre de l'Instruction publique





Sixième document inédit : 


d'avril à juin 1880
      


La Syrie d'aujourd'huiLouis Lortet publia le récit de ses voyages. C’est ainsi que le grand public accédait aux aspects les plus aventuriers et les plus exotiques de ses missions commanditées par le ministère de l'Instruction publique. “La Syrie d’aujourd’hui” parut en vingt-quatre épisodes dans la prestigieuse revue “Le Tour du monde, nouveau journal des voyages”, entre 1880 et 1882, puis fut éditée en 1884 en un seul volume de 675 pages sous le titre "La Syrie d'aujourd'hui, voyage dans la Phénicie, le Liban et la Judée”.




Il a été publié une intéressante critique contemporaine de La Syrie d'aujourd'hui, situant l'ouvrage dans "la logique de l'expansionnisme européen et du démembrement de l'empire ottoman”. Louis Lortet envisage en effet l'établissement d'un protectorat français en Syrie, qui fut effectivement institué après la Première Guerre, et qui marqua le début de troubles et guerres au Proche-Orient qui perdurent encore de nos jours. Cet essai critique rédigé par Emmanuelle Perrin, s'intitule : “Mission scientifique, récit de voyage et projet colonial : La Syrie d'aujourd'hui, de Louis Lortet. 1875-1884”.

On trouve d'ailleurs des articles publiés dans la presse de façon plus ou moins anonyme par Louis Lortet qui le révèlent comme un ardent défenseur de l'influence française au Proche-Orient : "La politique française en Orient, le Progrès, 7 août 1876 ; "Le rôle de la France en Orient", signé "un Français", le 26 avril 1897.

Ajoutons à ce journal de voyage, deux conférences que donna Louis Lortet à l'Académie des Sciences, Belles Lettres et Arts de Lyon, sur ses voyages au Proche-Orient :

• conférence sur “La géographie physique de la Syrie et la Palestine”, 29 novembre 1877

• conférence sur “La Galilée et le lac de Tibériade”, 14 février 1884




Portrait de Louis Lortet paru en 1894 (58 ans) 
dans l'Indicateur Lyonnais Henry 
et, ci-dessous, peu ou prou au même âge, surpris et souriant, 
dans sa propriété d'Oullins



Ci-dessous, un autre portrait avec quelques années de plus. 
Djamila Fellague, maître de conférence à l'université de Grenoble,
spécialiste de l'architecture gréco-romaine, a pu déterminer 
que cette photo* a été prise dans la cour du temple de Jupiter, à Baalbek.
(* exposée en grand format dans le pavillon Louis Lortet de l'hôpital sud de Lyon)





Le doyen de la faculté mixte 
de Médecine et de Pharmacie

Le 25e anniversaire de la création de la Faculté de mixte de Médecine et de Pharmacie de Lyon, à laquelle avait fortement contribué Louis Lortet, fut célébré de manière solennelle le 16 novembre 1902. Comme il en fut le doyen réélu sans discontinuer depuis l'origine en 1877, une médaille célébrant 25 années de décanat lui fut remise durant la cérémonie.


Septième document inédit : 

Cette liste se compose de plus d'une centaine de noms d'officiels, de collègues médecins et professeurs, de scientifiques associés aux domaines de recherches de Louis Lortet, d'amis personnels et de membres de sa famille. Chaque fois que possible, nous avons créé des liens renvoyant à ce que l'on peut trouver sur ces personnes, dépeignant ainsi, d'une certaine manière, une grande partie du tissu social dans lequel évoluait Louis Lortet.

Huitième document inédit : 
Pour l'occasion, Louis Lortet fit un discours en s'adressant au ministre de l'Instruction publique et des Beaux-Arts, Joseph Chaumié.



En tenue de doyen et enseignant de la Faculté


> Éloge funèbre. À l'occasion des funérailles de Louis Lortet, qui eurent lieu le 28 décembre 1909, des discours furent prononcés par cinq personnalités : M. Joubin, recteur de l'Université de Lyon, M. Guiart, professeur à la Faculté de Médecine de Lyon et successeur de Louis Lortet à la chaire de parasitologie, M. Caillemer, président de l'Académie des Sciences, Belles-Lettres et Arts de Lyon, M. Lacassagne, professeur à la Faculté de Médecine de Lyon et M. Gaillard, conservateur du Muséum d'Histoire naturelle de Lyon.
Le discours de Jules Guiart, collègue et ami, est particulièrement intéressant en ce qu'il décrit tout le parcours professionnel de Louis Lortet.

Parmi les lettres de condoléances particulièrement appuyées adressées à la famille (un mois avant qu'il ne meure lui-même), on note celle du vicomte Melchior de Vogüe, diplomate qui avait été secrétaire d'ambassade au Caire et qui avait écrit "Syrie, Palestine, Mont Athos" peu de temps avant que Louis Lortet publie sa Syrie d'aujourd'hui, ainsi que celle du Prince Auguste d'Arenberg, qui n'avait pas ménagé ses efforts pour faciliter les campagnes scientifiques de Louis Lortet en Egypte.

On trouve par ailleurs de nombreuses signatures prestigieuses sur les courriers qu'il reçut durant son décanat (mais un grand nombre sont malheureusement indéchiffrables). Par exemple, pour des échanges scientifiques : Albert 1er de Monaco, Ernest Renan, Marcelin Berthelot, Charcot, le Dr Koch (prix Nobel 1905), Roland Bonaparte, Rudolph Virchow, l'empereur Pierre II du Brésil (via son médecin particulier, le vicomte Sabota), Gabriel de Mortillet, John Tyndall, Albert Gaudry. Et sur un ton plus familier, voire affectueux : les Michelet (Jules et sa seconde épouse Athénaïs), la comtesse Valérie de Gasparin, l'épouse de Thiers - Elise, et surtout François Arlès-Dufour et ses enfants Alphonse et Adélaïde (selon la volonté des deux familles, les tombes des Arlès-Dufour et des Lortet sont contiguës dans le cimetière d'Oullins).

Inauguration d'un buste à la mémoire de Louis Lortet. Le même professeur Chauveau qui prononça un discours lors du 25e anniversaire du décanat de Louis Lortet, en fit un autre pour l'inauguration d'un buste à la mémoire de son collègue et ami (Louis Lortet choisit Auguste Chauveau comme parrain de son fils Pierre).





L'alpiniste


> Neuvième document inédit :




Louis Lortet avait relaté dans un gros manuscrit les ascensions qu'il effectua en Suisse et à Chamonix, entre 1866 et 1871, c'est à dire de 30 à 35 ans. Il en fit bien d'autres auparavant, dont nous n'avons pas trace, mais s'arrêta après 1872, sans doute trop pris par ses activités professionnelles.
Les impressionnantes courses qu'il raconte ici, et notamment la fameuse double ascension du mont Blanc à une semaine d'intervalle, révèlent un alpiniste des temps héroïques, passionné, audacieux et particulièrement résistant.


Louis Lortet fit sa double ascension du mont Blanc les 17 et 26 août 1869.
Ci-dessus, la cabane-refuge des Grands-Mulets telle qu'elle se présentait alors.

> À noter que dans sa conférence, déjà citée, sur “La famille du doyen Louis Lortet” à l'Institut de l'histoire de la Médecine, le 8 février 2000, le Pr Frédéric Charvet consacre un très long développement à la carrière d'alpiniste de Louis Lortet.

Éloge dans la Revue alpine. Louis Lortet fonda ensuite la Section lyonnaise du Club alpin français, le 1er janvier 1875, et en fut président de 1875 à 1881. Après sa mort, un long éloge parut dans La Revue alpine du 1er février 1910. 

On peut aussi noter ici qu'au cours de ses courses dans les Alpes suisses il rencontra John Tyndall, alpiniste irlandais, mais surtout grand scientifique. Une amitié s'ensuivit, et Louis Lortet traduisit (avec l'aide de sa belle-mère Emmeline, bilingue) et fit éditer et rééditer par Hetzel un double ouvrage de Tyndall qu'il intitula : "Dans les montagnes" et "Ça et là dans les Alpes" que l'on peut lire intégralement ici sur le site Gallica.

Et puisque nous parlons de traduction, ajoutons que Louis Lortet traduisit (toujours avec l'aide de sa belle-mère) aussi de l'anglais un savant ouvrage relatant les explorations maritimes scientifiques de deux vaisseaux anglais, le Porcupine et le Lightning. On pourra lire, également sur le site Gallica, cet ouvrage paru en 1875 sous le titre “Les abîmes de la mer”. Il dédia sa traduction "à ma mère Emmeline Brouzet" (en réalité la mère de son épouse Inès, qu'il considérait comme sa mère – sa vraie mère, Nettchen, étant morte alors qu'il n'avait pas deux ans).

> Ajoutons les notes d'une petite conférence sur le thème des glaciers, que fit Louis Lortet lors de l'assemblée générale de la Section lyonnaise du Club alpin de 1880.


Dixième document inédit. 
Un an avant son décès en octobre 2016, le professeur Louis David, ancien directeur du muséum, avait, dans le cadre des cycles de conférences des Amis du Musée de la Santé de Lyon, fait un 

Louis David nous donna les notes et photos de cet exposé.


Les chromis paterfamilias, pêchés dans le lac Tibériade par Louis Lortet  
qui a décrit la façon dont ces poissons qui portent son nom
incubent leurs œufs et protègent leurs alevins dans leur cavité buccale


> Thèses sur Louis Lortet. Marie-Caroline Rabolt a fait d'une partie de la vie du Pr Lortet le sujet de sa thèse, intitulée " Louis Lortet, un médecin naturaliste en Orient ". Ce travail considérable donne énormément à lire sur Louis Lortet, sur sa formation, sur son itinéraire institutionnel en France et à l'étranger (80 premières pages), et de façon détaillée, sur ses études zoologiques, médicales, archéologiques et anthropologiques à partir de ses missions en Égypte et en Syrie (seconde partie de 70 pages).

D'autre part, Marie-Caroline Rabolt a publié un article dans le n°435 de novembre 2009 de la revue "La recherche - l'actualité des sciences", qui fait état des recherches égyptologiques de Louis Lortet pour tenter de conforter les théories de Darwin. 
De son côté, Karine Madrigal, spécialiste des collections d'objets prédynastiques a publié dans la revue “Toutankhamon magazine”, un article intitulé “Louis Lortet : un homme au service de l'Égyptologie”.

Il existe une autre thèse, plus ancienne, sur la vie et l'œuvre de Louis Lortet. Elle a été présentée à l'université Claude Bernard / faculté de Médecine de Lyon le 30 octobre 1980, par madame Danièle Chopard épouse Clapé, pour obtenir le grade de docteur en médecine. Son titre complet est “Louis-Charles Lortet, premier doyen de la faculté mixte de Médecine et de Pharmacie de Lyon ; sa vie et ses travaux”.

Enfin, les textes d'une thèse d'exercice de Médecine et d'un mémoire de maîtrise d'Histoire seraient à rechercher. Il s'agit des Voyages d’études en Syrie et en Egypte (1873-1909) de Monsieur Lortet, premierDoyen de la Faculté mixte de Médecine et de Pharmacie de Lyon, 176 pages, 1994, par C. Leblanc ; et Lortet et le muséum d’histoire naturelle de Lyon, 1870-1909, 186 pages 2002, par A. Chazot.

Foi en la science, engagement, obstination, universalisme : portrait d'un homme qui n'hésite pas à risquer sa position sociale pour faire avancer le savoir de son époque. 


Onzième document inédit : 



Tandis qu'il est couvert d'honneurs, qu'il passe ses étés au soleil d'Égypte et qu'il poursuit ses activités scientifiques au-delà de sa mise à la retraite en 1906, on découvre les souffrances, les fêlures et les infinies tristesses de Louis Lortet à travers quelques extraits du journal intime de ses 10 dernières années de vie.







Signature autographe du Pr Louis Lortet





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Une rue du 7e arrondissement de Lyon a été dédiée à Louis Lortet
Elle est notamment desservie par l'arrêt de bus “Lortet”.



Petite curiosité sur ces mêmes lieux – ou plutôt “sous” ces lieux, où passe le métro de la ligne B : il y a là, entre les stations Jean Macé et Jean-Jaurès, une “station fantôme” qui n'a jamais été achevée, et qui devait s'appeler... Lortet. Elle se serait située au croisement de la rue Lortet et de l'avenue Jean-Jaurès.


Il y a par ailleurs une “rue Lortet” à Oullins.
Elle donne à son extrémité sud sur un tout récent parking  nommé “Arlès-Dufour“. Étrange coïncidence, car François Barthélémy Arlès-Dufour était un très proche de Louis Lortet (si proche que leurs tombes sont, selon leurs souhaits, mitoyennes au cimetière d'Oullins).





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Dernières actualités...


Le pavillon Louis Lortet de l'hôpital sud de Lyon

Le 15 juin 2018, un an après que le nom de sa grand-mère Clémence a été donné à la bibliothèque du 6e arrondissement de Lyon, le nom de Louis Lortet a été donné à l'un des bâtiments, tout juste rénové et à la façade classée, du Centre hospitalier de Lyon sud.
Le Pavillon Louis Lortet  abrite désormais la gériatrie de court séjour et la neurologie clinique et fonctionnelle.
C'est le Dr Gilles Albrand, chef du service de gériatrie qui s'est battu pour obtenir ce nom de baptême, face à plusieurs autres noms en lice. Deux arguments ultimes et exclusifs avaient emporté la décision : Louis Lortet est né et enterré à Oullins (l'hôpital s'étend notamment sur Oullins) ; et lorsqu'on monte au dernier étage du pavillon, a dit le Dr Albrand, on voit par beau temps le mont Blanc... gravi par Louis Lortet !



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Centre Louis Lortet


Sur proposition de madame Hélène Lafont-Couturier, directrice du musée des Confluences de Lyon, et approbation de son conseil d'administration en février 2019, le CCEC (Centre de Conservation et d'Études des Collections du musée des Confluences) s'appelle désormais “Centre Louis Lortet”.


Nouvelle plaque d'entrée du CCEC






CLÉMENTINE LORTET








Clémentine est le deuxième enfant du Dr Pierre Lortet.
Elle naît le 7 juin 1830 à Zürich.
Cette naissance à Zürich suppose que ses parents y ont séjourné un certain temps, avant et après (tandis qu'avait lieu à Paris la révolution de Juillet, dite des “Trois glorieuses”, qui porte Louis-Philippe sur le trône). Et en effet, on apprend dans une lettre d'Edgar Quinet que Pierre Lortet suit des cours (et enseigne ?) à Zürich en 1930, notamment de Johann Caspar von Orelli, qui sera sollicité pour être le parrain de Clémentine.
À noter que von Orelli, brillant professeur de philosophie, fut le fondateur de l'université de Zürich. Pierre Lortet s'en souviendra pour pousser plus tard à la création de la faculté des Sciences de Lyon.
Mais pourquoi Pierre et Nettchen Lortet ont-ils vécu à Zürich ? On ne le sait pas. La famille est-elle là en exil ?
On peut en tous cas remarquer que Pierre était passé à Zürich le 24 août 1824, au cours de sa longue pérégrination en Suisse de Genève à Yverdon (voir “les Voyages à pied” du Dr Pierre Lortet). Mais il ne s'était pas enthousiasmé pour cette ville et ne signala alors aucune rencontre particulière.

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Clémentine ne s'est pas mariée ni n'a laissé d'enfant. Ce célibat est volontaire et la raison en est donnée plus loin.
Le peu que l'on sait d'elle est résumé dans l'ouvrage d'Antoine Magnin sur les Lortet botanistes :

"Clémentine (qui avait 7 ans à la mort de sa mère) a été longtemps la compagne habituelle - "l'Antigone" de son père. "On la voyait vêtue de pantalons et d'une blouse grise, portant vaillamment en bandoulière un sac de cuir rempli de ces pierres cassées que les géologues qualifient d'échantillons". Elle a laissé le souvenir d'une femme remarquable, très intelligente et très instruite".

Un petit billet qu'elle rédige à l'âge de 12 ans en allemand (elle est née à Zürich et est bilingue comme Leberecht), révèle son goût pour la musique :

"Mon cher Père,
Il y a longtemps que notre chère mère ne peut plus se réjouir avec nous. 
Si elle était encore là, elle serait aussi heureuse.
Je te donne mon porte-monnaie, c'est tout ce que je peux faire. 
Cher Père, si tu crois que tu peux m'acheter un piano, fais-le, je t'en prie !
Ta Clémentine qui t'aime".




Portrait à la plume de Clémentine par son père.
Légende : "Coiffure de Mlle Clémentine Lortet
depuis le fatal baiser du perruquier".


Mais c'est le testament de son père qui résume de façon simple et émouvante ce qu'a été sa vie :

"Mes enfants,
Je compte sur votre amour fraternel pour partager également selon vos goûts, ce qui vous sera utile et agréable.
Leberecht ! Louis ! n'oubliez pas que pour soigner son père et ses frères, Clémentine a sacrifié sa jeunesse, a renoncé à tous les plaisirs de son âge. 
Louis ! n'oublie pas les soins que Leberecht et Clémentine ont donnés à ton enfance.
Dans les papiers de famille, vous trouverez la preuve que je suis protestant.
Si on le peut, enterrez-moi à côté de la maman.
Voilà ce que je désire.
Oullins, le 10 mars 1866, P. Lortet".

Ajoutons une citation de paroles de Clémentine trouvée dans les papiers de Leberecht...

"Il semble que la souffrance soit la condition naturelle de la vie, et que plus on aime, plus on souffre.
Mais qui voudrait aimer moins pour avoir moins à souffrir ?"

... et un petit texte qu'elle a écrit dans sa jeunesse. On peut y lire toute la profonde tristesse qui l'habitait déjà, alors qu'elle était et qu'elle sera toujours aimée de tous. C'est à elle, durant toute sa vie, qu'écrivaient et se confiaient, son frère, ses nièces et tous ses proches, ainsi que de très nombreux amis, dans les termes les plus affectueux.

"Ah ! Tu le vois, ici, tout est triste pour le regard et pour le cœur. Viens donc sur la cime solitaire, nous nous assiérons sur le gazon pour rêver à des temps plus heureux. 
Si tu cueilles l’églantier qui embellit la ronce sauvage, tu penseras que la modeste beauté de la femme doit aussi parer les plus humbles destinées, et si tu entends la voix merveilleuse du rossignol chanter sous les feuilles, tu sauras que les voix les plus douces et les plus tendres sont celles qui s’élèvent dan la solitude.
C’est en vain que je cherche mon bonheur. Je le cherche dans les livres, mais il n’y est pas. Je le cherche dans la nature, mais, encore là, point de bonheur. Je le cherche dans Dieu, dans la religion et, là encore, il n’est pas complet ! Où donc, où donc le trouverai-je, puisque ce n’est pas auprès de toi, mon père céleste, que je le trouve complet sur cette terre ? Où donc trouverai-je un bonheur que je cherche encore et auquel mon cœur aspire toujours ?
Pourquoi ces tristes regards qui ne voient pas ? Pourquoi ces sourires sans joie ? Pourquoi cette gaieté forcée ? Pourquoi cette faiblesse dans tout le corps, cet abattement, ce découragement, cette indifférence à la vie ? Pourquoi ces larmes toujours prêtes à se précipiter de ces yeux, expression de ce qu’éprouve mon âme ?
Ah ! Tout cela est ainsi parce que je ne me trouve point heureuse, parce que je cherche un bonheur inconnu et que je ne trouve point. 
Ô toi mon père céleste à qui il est si facile de donner, pourquoi ne veux-tu pas me donner un peu de bonheur ? Pourquoi, encore si jeune, remplir mon âme de tristesse ? Pourquoi déjà, si tôt, me montrer que presque tout ce qui charmait ma vie, le beau et l’heureux, n’est qu’illusion, n’est rien !!! ".







Elle et Leberecht vivront ensemble dans "la petite Cadière” peu avant 1880 (voir la photo sur la page de Leberecht). Elle souffrira beaucoup des yeux sur la fin de sa vie, enchaînant les séjours dans les villes d'eaux - Vichy, Aix-les-Bains... - pour tenter de soigner cette infirmité. Elle meurt pleurée de tous.

À plusieurs reprises, elle a complété un émouvant petit testament, qui dit beaucoup sur sa modestie.