CLÉMENTINE LORTET








Clémentine est le deuxième enfant du Dr Pierre Lortet.
Elle naît le 7 juin 1830 à Zürich.
Cette naissance à Zürich suppose que ses parents y ont séjourné un certain temps, avant et après (tandis qu'avait lieu à Paris la révolution de Juillet, dite des “Trois glorieuses”, qui porte Louis-Philippe sur le trône). Et en effet, on apprend dans une lettre d'Edgar Quinet que Pierre Lortet suit des cours (et enseigne ?) à Zürich en 1930, notamment de Johann Caspar von Orelli, qui sera sollicité pour être le parrain de Clémentine.
À noter que von Orelli, brillant professeur de philosophie, fut le fondateur de l'université de Zürich. Pierre Lortet s'en souviendra pour pousser plus tard à la création de la faculté des Sciences de Lyon.
Mais pourquoi Pierre et Nettchen Lortet ont-ils vécu à Zürich ? On ne le sait pas. La famille est-elle là en exil ?
On peut en tous cas remarquer que Pierre était passé à Zürich le 24 août 1824, au cours de sa longue pérégrination en Suisse de Genève à Yverdon (voir “les Voyages à pied” du Dr Pierre Lortet). Mais il ne s'était pas enthousiasmé pour cette ville et ne signala alors aucune rencontre particulière.

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Clémentine ne s'est pas mariée ni n'a laissé d'enfant. Ce célibat est volontaire et la raison en est donnée plus loin.
Le peu que l'on sait d'elle est résumé dans l'ouvrage d'Antoine Magnin sur les Lortet botanistes :

"Clémentine (qui avait 7 ans à la mort de sa mère) a été longtemps la compagne habituelle - "l'Antigone" de son père. "On la voyait vêtue de pantalons et d'une blouse grise, portant vaillamment en bandoulière un sac de cuir rempli de ces pierres cassées que les géologues qualifient d'échantillons". Elle a laissé le souvenir d'une femme remarquable, très intelligente et très instruite".

Un petit billet qu'elle rédige à l'âge de 12 ans en allemand (elle est née à Zürich et est bilingue comme Leberecht), révèle son goût pour la musique :

"Mon cher Père,
Il y a longtemps que notre chère mère ne peut plus se réjouir avec nous. 
Si elle était encore là, elle serait aussi heureuse.
Je te donne mon porte-monnaie, c'est tout ce que je peux faire. 
Cher Père, si tu crois que tu peux m'acheter un piano, fais-le, je t'en prie !
Ta Clémentine qui t'aime".




Portrait à la plume de Clémentine par son père.
Légende : "Coiffure de Mlle Clémentine Lortet
depuis le fatal baiser du perruquier".


Mais c'est le testament de son père qui résume de façon simple et émouvante ce qu'a été sa vie :

"Mes enfants,
Je compte sur votre amour fraternel pour partager également selon vos goûts, ce qui vous sera utile et agréable.
Leberecht ! Louis ! n'oubliez pas que pour soigner son père et ses frères, Clémentine a sacrifié sa jeunesse, a renoncé à tous les plaisirs de son âge. 
Louis ! n'oublie pas les soins que Leberecht et Clémentine ont donnés à ton enfance.
Dans les papiers de famille, vous trouverez la preuve que je suis protestant.
Si on le peut, enterrez-moi à côté de la maman.
Voilà ce que je désire.
Oullins, le 10 mars 1866, P. Lortet".

Ajoutons une citation de paroles de Clémentine trouvée dans les papiers de Leberecht...

"Il semble que la souffrance soit la condition naturelle de la vie, et que plus on aime, plus on souffre.
Mais qui voudrait aimer moins pour avoir moins à souffrir ?"

... et un petit texte qu'elle a écrit dans sa jeunesse. On peut y lire toute la profonde tristesse qui l'habitait déjà, alors qu'elle était et qu'elle sera toujours aimée de tous. C'est à elle, durant toute sa vie, qu'écrivaient et se confiaient, son frère, ses nièces et tous ses proches, ainsi que de très nombreux amis, dans les termes les plus affectueux.

"Ah ! Tu le vois, ici, tout est triste pour le regard et pour le cœur. Viens donc sur la cime solitaire, nous nous assiérons sur le gazon pour rêver à des temps plus heureux. 
Si tu cueilles l’églantier qui embellit la ronce sauvage, tu penseras que la modeste beauté de la femme doit aussi parer les plus humbles destinées, et si tu entends la voix merveilleuse du rossignol chanter sous les feuilles, tu sauras que les voix les plus douces et les plus tendres sont celles qui s’élèvent dan la solitude.
C’est en vain que je cherche mon bonheur. Je le cherche dans les livres, mais il n’y est pas. Je le cherche dans la nature, mais, encore là, point de bonheur. Je le cherche dans Dieu, dans la religion et, là encore, il n’est pas complet ! Où donc, où donc le trouverai-je, puisque ce n’est pas auprès de toi, mon père céleste, que je le trouve complet sur cette terre ? Où donc trouverai-je un bonheur que je cherche encore et auquel mon cœur aspire toujours ?
Pourquoi ces tristes regards qui ne voient pas ? Pourquoi ces sourires sans joie ? Pourquoi cette gaieté forcée ? Pourquoi cette faiblesse dans tout le corps, cet abattement, ce découragement, cette indifférence à la vie ? Pourquoi ces larmes toujours prêtes à se précipiter de ces yeux, expression de ce qu’éprouve mon âme ?
Ah ! Tout cela est ainsi parce que je ne me trouve point heureuse, parce que je cherche un bonheur inconnu et que je ne trouve point. 
Ô toi mon père céleste à qui il est si facile de donner, pourquoi ne veux-tu pas me donner un peu de bonheur ? Pourquoi, encore si jeune, remplir mon âme de tristesse ? Pourquoi déjà, si tôt, me montrer que presque tout ce qui charmait ma vie, le beau et l’heureux, n’est qu’illusion, n’est rien !!! ".







Elle et Leberecht vivront ensemble dans "la petite Cadière” peu avant 1880 (voir la photo sur la page de Leberecht). Elle souffrira beaucoup des yeux sur la fin de sa vie, enchaînant les séjours dans les villes d'eaux - Vichy, Aix-les-Bains... - pour tenter de soigner cette infirmité. Elle meurt pleurée de tous.

À plusieurs reprises, elle a complété un émouvant petit testament, qui dit beaucoup sur sa modestie.










2 commentaires:

Monique W a dit…

Bonjour Pierre,

Clémentine représente très bien ces femmes qui, à cette époque, se sacrifiait pour leur famille.

Nous ne saurons sans doute jamais si elle en a souffert.

A bientôt

Monique W

Pierre Lortet a dit…
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